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11/10/2014

Paris : le colloque Louis Bouyer

 christianisme

Aujourd'hui aux Bernardins et hier à l'Institut catholique, colloque international Actualité et fécondité d'un maître, Louis Bouyer  :


 

> Organisé par le Theologicum, le colloque porte ce samedi sur la Tradition et le mystère de l'Eglise, sous la présidence de Mgr Jérôme Beau (matin) et Mgr Robert Le Gall (après-midi). Interventions : Jean-Miguel Garrigues o.p. (Le Christ dans le dessein de Dieu), Michael Devaux (Problème de l'imagination et de la foi chez L. Bouyer), Bertrand Lesoing c.s.m. (La notion de corps mystique comme fondement de la recherche oecuménique), Marguerite Léna s.f.x. (Vocation de la femme et mystère de l'Eglise), Dom Jean-Charles Nault o.s.b. (La contribution de L. Bouyer à une théologie de la vie monastique), Marie-David Weill s.a.s.j. (L'Eglise, communauté de l'Agapè), Jean-Robert Armogathe (L'Eglise plénitude du Christ).

> Hier, les travaux portaient sur Sagesse et mystère, sous les présidence de Mgr Philippe Bordeyne (matin) et du P. Thierry-Marie Courau o.p. (après-midi). Interventions : Jean-Luc Marion (Unité organique de l'oeuvre de louis Bouyer), Mgr Jean-Pierre Batut (Sagesse préexistante et connaissance du mystère), Jacques Servais s.j. (La Sagesse selon L. Bouyer : genèse, sources et développements d'une intuition primordiale), Jean-Louis Souletie f.m.t. (La connaissance que donne le mystère est-elle de type sapientiel ?), Jean Duchesne (Enracinement dans le judaïsme et mystère chrétien), Joris Geldhof (Le renouveau de la notion de mystère et son impact pour une théologie des sacrements), Gregory Woimbee (L. Bouyer : une anthropologie liturgique pour une théologie fondamentale du mystère chrétien), Patrick Prétot o.s.b. (Rite, mythe et mystère chez L. Bouyer : une ouverture pour la théologie de la liturgie), Mgr Robert Le Gall o.s.b. (Au coeur de la liturgie et du cosmos : le mystère angélique).

 

L'importance de la pensée de Bouyer (1913-2004) n'est plus à démontrer : pasteur luthérien en 1936, converti au catholicisme en 1939 par la christologie et l'ecclésiologie de saint Athanase d'Alexandrie, prêtre oratorien en 1944 et professeur dans quatre pays, consultant à Vatican II pour la liturgie, membre de la Commission théologique internationale. Son oeuvre inclut en 1969 un texte de lutte contre le parasitage idéologique de la réception de Vatican II ; mais elle dépasse de loin cette dimension, au point d'être une source pour l'évangélisation des temps nouveaux :

 

<<  Ce qui est essentiel au christianisme, ce n'est ni un système doctrinal, ni une organisation ecclésiastique, ni même l'Écriture, c'est une personne, la personne de Jésus de Nazareth. Toutes ces autres choses ont leur rôle à jouer, dans sa dépendance, mais il est le chemin, la vérité, la vie, lui, entendez-vous ? lui-même, sa personne. Jésus va bientôt entrer dans la salle du festin des noces. Il nous a envoyé vous chercher, nous disant : « Contraignez-le d'entrer ! » Vous allez venir, vous allez vous présenter devant lui et lui s'arrêtera devant vous et il vous parlera. Quelque sympathie qui nous unisse, malgré les distances, à ceux que nous aimons, il est une grande différence entre la joie que peut donner la lecture d'une lettre ou le rappel d'un souvenir et la joie d'accourir au rendez-vous où nous les verrons nous-mêmes, où nous savons en y allant qu'ils y sont déjà qui nous attendent. Ce rendez-vous, le Seigneur vous le donne à la table de son Père. Il y a un mystère dans cette rencontre, ce clair-obscur d'ombre nocturnes et de clartés matinales, qui convient à notre vie présente, toute chargée de l'attente de l'aube éternelle. >>   [1]

 

 

L'évangélisation d'aujourd'hui suppose évidemment que le catholique (français) rompe avec la mentalité d'assiégé, souvent liée dans son esprit à l'ignorance théologique et à la confusion entre : a) religion et partisanerie politique, b) religion et moralisme, cette seconde et suicidaire confusion consistant à faire de la morale la condition essentielle du salut – avec pour conséquence d'enfermer l'homme dans son individualisme et la religion dans la morale privée ; donc présentation erronée du Dieu de la Révélation, et porte ouverte aux ravages mentaux et sociétaux du libéralisme bourgeois. Sans compter la pente dangereuse vers une substitution du moral au théologal (ce qui met aux confins de l'hérésie), et l'effet psychologique désastreux sur les non-croyants, qui sont aujourd'hui la grande majorité de la population française... Cette erreur prit force de loi au début du XIXe siècle dans le Catéchisme impérial de 1810, et pollua l'image de la religion jusqu'à nos jours.

L'erreur est une question d'angle. L'organicité de la foi n'esquive évidemment pas l'enseignement des normes morales : mais ce qui est vital est cette foi, dans sa plénitude, qui transcende infiniment toutes les normes morales !

L'apport crucial de Bouyer à l'évangélisation d'aujourd'hui, tient justement à son déplacement d'angle pour tout recentrer sur l'essentiel. Le christianisme, dit-il, est « une religion surnaturelle pleine d'humanité » puisqu'oeuvre du Dieu fait homme (notait hier le P. Woinbee). Soulignée par Bouyer (comme le rappelait le P. Servais), la toute-puissance créatrice de Dieu ne peut qu'être l'Amour éternel et gratuit ; l'Incarnation du Fils ouvre à l'union de Dieu et de l'homme ; par cette Incarnation, le Fils ne se soumet à la Loi que pour l'accomplir de l'intérieur « en réponse parfaite de la liberté créée (humaine) à Dieu Créateur », et réponse scellée dans la générosité absolue du sang de la Croix. C'est de cet événement que doivent découler, par surcroît, toutes les « normes » morales conçues par l'Eglise au fil de l'histoire ; on comprend donc que ces normes, et la façon de les appliquer, ne peuvent pas s'enfermer dans le juridisme ; et c'est l'un des sujets des travaux du synode actuellement réuni à Rome.

A l'occasion de ce synode, on a vu – ces dernières semaines – se se réveiller brutalement les deux nuisances symétriques (fétichisme ultra et laxisme libéral) que Bouyer combattait durant et après Vatican II, comme le rappelle un de ses disciples :

 

<< Pendant et après Vatican II, Bouyer a maintenu la pertinence d'une « troisième voie » lors des déchirements entre progressistes et traditionalistes, grâce à la redécouverte d'une Tradition vivante, paradoxalement pleinement catholique et œcuménique. La théologie de Louis Bouyer est marquée en ceci par une perception historique et spirituelle en décalage avec une vision juridique de la foi. Il est aujourd'hui, pour l'Église catholique, un des théologiens les plus complets, féconds et reconnus, au même titre que Lubac et Balthasar. Le contact avec la pensée de Louis Bouyer est un moyen efficace de comprendre le message avec ses nuances, ses tensions et sa cohérence, de Jean-Paul II, Benoît XVI et François. >>

 

Les deux erreurs symétriques (fétichisme-laxisme) fonctionnent également au sujet de la liturgie, dont il fut beaucoup question hier au colloque – notamment de la part du P. Woinbee. Bouyer renvoie dos à dos la conception figée (une liturgie « immuable » et séparée de l'humain : liturgie dont tous les éléments seraient sur le même plan), et la conception flasque (une liturgie vidée de toute distinction dynamique sacré-profane, et disant ainsi à l'homme qu'il n'a pas à changer : ce qui est l'opposé du christianisme). « La chair du Sauveur ne descend pas du Ciel mais ne se confond pas avec toute chair », observe Bouyer.

Dans Le rite et l'homme, Bouyer écrit :

<< La balance n'est pas facile à tenir, il faut le reconnaître, entre un conservatisme apeuré, qui se cramponne à de pseudo-traditions, et un réformisme intrépide, qui culbute comme de simples archaïsmes les réalités les plus permanentes de la foi chrétienne comme de la nature humaine. Mais, à la longue, on ne pourra ni s'en tenir au tout-fait, ni se satisfaire des innovations en l'air. Les rites sacrés sont des réalités qu'on ne peut prétendre connaître, à plus forte raison remanier, si l'on persiste à méconnaître leur enracinement dans le tuf le plus profond et le moins variable de la nature humaine comme de la tradition chrétienne...

<< Comment se fait-il que la parole elle-même ne puisse venir à bout de se dire que dans le sacrement ? Pensons au mot de saint Paul, sur la mort du Seigneur que nous ''annonçons'' chaque fois que nous célébrons l'eucharistie. C'est que la parole divine, la parole dont il s'agit ici, a tout autre chose à nous dire qu'une plate vérité de bon sens. C'est que ce qu'elle nous annonce est un mystère, c'est-à-dire, selon l'excellente formule de Gabriel Marcel, une vérité qu'on ne peut 'comprendre', au sens étroit du mot, parce que c'est elle qui nous comprend. Cette vérité, c'est le Christ, et le Christ tel que la foi chrétienne seule peut le connaître, c'est-à-dire, suivant le mot de saint Paul auquel il faut toujours en revenir, ''le Christ en nous, espérance de la gloire''. >>

 

__________ 

 [1] Venez car tout est prêt, Ad Solem 2012. 

 

 

A propos du christianisme, du paganisme et de la nature humaine, lire aussi la note de ce blog sur Bouyer et le mythe arthurien :

http://plunkett.hautetfort.com/archive/2013/03/05/broceliande-le-mythe-arthurien-le-paganisme-et-le-christiani.html#more

  

Commentaires

"PAS MARRANT DÊTRE CONSERVATEUR" DANS L'EGLISE CATHOLIQUE AUJOURDHUI

> "Un peu comme si, dans une réunion de famille, on tournait la tête quand le vieil oncle, conservateur, reprenait sa rengaine!" (Jean-Marie Guénois)
C'est ce qu'on appelle un aveu. L'Eglise doit être conservatrice ou ne sera pas. Donc elle doit être comme nous. C'est à lire là: http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/10/10/01016-20141010ARTFIG00353-synode-querelle-de-famille-au-vatican.php

Il y en a un autre intitulé : "Oublié, Jean-Paul II, pape de la famille,L'héritage de celui qui a consacré toute sa vie de pasteur à la famille semble écarté des débats de l'actuel synode de l'Église catholique." Il est réservé aux abonnés, mais le titre dit tout.

Il est bien évident que l'insistance sur les questions morales vient de ce que l'enseignement social de l'Eglise porte sur, d'une part ce que l'on pourrait appeler les questions sociétales, et d'autre part ce que l'on appelait jadis la question sociale. Si le pape François exprime de manière nettement plus "compréhensible" ou en tous cas "directe" l'enseignement social de l'Eglise quant à la question sociale (l'économie), dans un sens éloigné de celui des "conservateurs", alors il ne reste plus aux dits conservateurs que les questions sociétales pour garder un quelconque lien avec l'enseignement social de l'Eglise, et avec le Pape.
Or, lorsqu'on touche aux questions sociétales, ils viennent à craindre, que tout change (ce qui n'est absolument pas avéré), et ils finissent surtout par craindre de n'avoir plus rien sur quoi se rabattre.
C'est vrai, ça ne doit pas être marrant d'être conservateur par les temps qui courent; la faute au pape François. On comprend Jean-Marie Guénois. Il s'était déjà commis dans un article dans le Figaro, dans lequel il parlait de Jean-Paul II grosso modo comme défenseur de la responsabilité en économie et de la liberté d'entreprise ce qui faisait penser à cette version étrange de la Doctrine Sociale de l'Eglise telle qu'elle est vue par les libéraux-conservateurs, et qui ne semble pas correspondre à grand-chose dans la réalité. Dans ce dernier article il parlait bien-sûr du pape François qu'il comparait à Jean-Paul II. Sur un autre sujet, à mots feutrés, bien sûr… le voilà qui recommence.

ND


[ PP à ND - Sans compter que ces libéraux qui se disent conservateurs, adhèrent en fait au système économique qui déstabilise et dissout tout ! (y compris l'économie...) Ils sont partisans de la cause des effets qu'ils déplorent si bruyamment.]

réponse au commentaire

Écrit par : ND / | 11/10/2014

LA PERSONNE DU CHRIST

> De même que la foi ne s'épuise ni dans la morale privée ni dans l'engagement social qui ne sont pas le tout de la vie avec le Christ, de même la parole de Dieu ce n'est pas la Bible, comme le disent les protestants, mais le Christ (comme le rappelle Vatican II au début de Dei Verbum).
Et l'on peut ouvrir un autre débat: liturgie et personne (la personne du Christ, les personnes qui participent à l'Eucharistie). Il est heureux que l'on revise la réforme liturgique sur ce point: à ND de Paris, à St Germain des Prés notamment on a déplacé le maître-autel face au peuple qui se trouvait juste à la croisée du transept; désormais il a été légèrement reculé pour rappeler qu'à la croisée du transept il y a le peuple sacerdotal, corps du Christ et temple de l'Esprit.
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Écrit par : B.H. / | 11/10/2014

FÉTICHISTES ET LAXISTES

> "L'Eglise doit être conservatrice ou ne sera pas. Donc elle doit être comme nous." En somme, "conservateurs" et "modernistes" (ou "fétichistes" et "laxistes") ne sont pas si éloignés que cela les uns des autres dans leurs attitudes.
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Écrit par : Sven Laval / | 11/10/2014

DANS LE LANGAGE DE NOS CONTEMPORAINS

> "L'ouverture au monde préconisée par le concile Vatican II ne signifiait pas un ajustement de la foi aux exigences de la modernité. Il ne s'agit pas pour l"Eglise de s'ouvrir à l'esprit du monde en se mettant à la traîne des courants de pensée en perpétuelle évolution : ce n'est pas l'Evangile qui doti se convertir au monde, mais le monde à l'Evangile ! En revanche, il est indispensable de proposer dans le langage de nos contemporains 'Jésus Christ le même hier et aujourd'hui et pour l'éternité' (He 13,8)."

( Père JM Verlinde, "Parole et prière" oct. 2014)
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Écrit par : Solenn / | 11/10/2014

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